Depuis plus de deux décennies, le conservatoire d’espaces naturels de la Savoie œuvre pour la préservation et la restauration des écosystèmes emblématiques du territoire savoyard. Parmi ses initiatives figure la restauration écologique de la Lône du Curé, un site à haute valeur écologique situé sur la commune de Chanaz-Vions, dans la plaine alluviale du Rhône. Ce projet s’inscrit dans un vaste programme de conservation et de réintroduction d’espèces protégées, dont la Cistude d’Europe (Emys orbicularis), une tortue aquatique menacée.
La lône du Curé : Un écosystème fragilisé
Située en rive gauche du Rhône, la Lône du Curé est une ancienne annexe fluviale qui offrait autrefois un habitat riche et diversifié pour la faune et la flore locales. Cette annexe joue un rôle essentiel dans la préservation d’une mosaïque d’habitats favorables à de nombreuses espèces animales et végétales. Cependant, plusieurs décennies d’aménagements hydrauliques et de déconnexion avec le lit principal du Rhône ont altéré son fonctionnement naturel.
Avec le temps, l’envasement progressif, la fermeture des milieux et la colonisation par des espèces végétales exotiques envahissantes, telles que la renouée du Japon, ont réduit la qualité des habitats et leur surface disponible. Aujourd’hui, la Lône du Curé nécessite une intervention ambitieuse pour retrouver son rôle écologique et sa richesse.

Un projet au service de la cistude d’Europe
La cistude d’Europe est une espèce emblématique. Protégée à l’échelle nationale, cette tortue aquatique est particulièrement sensible aux perturbations de son habitat. Dans la Lône du Curé, elle trouve des conditions favorables pour se nourrir, pondre et hiberner. Cependant, la réduction des zones humides utilisables contraint les individus à se déplacer davantage, ce qui augmente les risques pour leur survie.
Pour répondre à ces enjeux, le projet de restauration vise à réhabiliter les habitats aquatiques et terrestres nécessaires à cette espèce, tout en améliorant la connectivité écologique entre les différents milieux. La restauration de la Lône permettra également de créer des conditions favorables à d’autres espèces protégées, telles que le sonneur à ventre jaune, le castor d’Europe ou encore des espèces d’oiseaux et d’amphibiens.

Les enjeux techniques et environnementaux du projet
La restauration écologique de la Lône du Curé repose sur une approche globale qui prend en compte à la fois les impératifs écologiques et les contraintes techniques du site. Les études préalables ont permis de mettre en lumière plusieurs problématiques à résoudre : l’envasement des zones aquatiques, le comblement naturel des berges, et la prolifération des massifs de renouée du Japon.
Une partie importante des travaux portera sur le traitement des espèces exotiques envahissantes, en particulier la renouée du Japon. Les massifs seront excavés, puis traités par ennoiement dans une gravière des iles de Vions, réduisant ainsi le risque de dispersion. La restauration inclura également des actions visant à diversifier les habitats, notamment par la création de mares forestières et la végétalisation des berges.

Les actions de restauration écologiques
Les travaux de restauration écologique prévoient un élargissement des berges, associé à un curage léger de certaines sections de la lône pour améliorer la circulation de l’eau et restaurer les échanges hydrologiques avec la nappe phréatique. Une attention particulière sera portée à la préservation et à la création de micro-habitats diversifiés. Par exemple, des solariums seront aménagés pour permettre aux reptiles, dont les cistudes, de bénéficier de zones adaptées pour la thermorégulation.
En parallèle, des mares forestières structurées en différents paliers seront creusées pour répondre aux besoins de diverses espèces. Ces mares seront conçues pour assurer une rétention d’eau en toutes saisons, avec des paliers adaptés à différentes profondeurs pour accueillir à la fois les amphibiens et la petite faune aquatique.

Des contraintes écologiques et réglementaires
La réussite de ce projet repose également sur une gestion rigoureuse des contraintes écologiques et techniques. Le site se trouve dans un espace inscrit au réseau Natura 2000, ce qui impose de se conformer aux objectifs de préservation de la biodiversité et de limitation des impacts lors des travaux. Les interventions seront planifiées pour se dérouler durant des périodes de faible activité biologique, notamment en fin d’été et début d’automne, afin de minimiser les perturbations pour la faune.
Les travaux intégreront également des mesures de prévention contre la pollution, telles que le contrôle des engins de chantier et l’élimination des déchets en dehors des zones sensibles. Enfin, des suivis réguliers seront réalisés pour garantir la conformité des travaux avec les objectifs écologiques fixés.

Un impact durable sur l’environnement
Au-delà des objectifs immédiats, la restauration de la Lône du Curé représente un investissement à long terme pour l’environnement. En restaurant un équilibre hydrologique et écologique, ce projet vise à renforcer la résilience des milieux face aux pressions humaines et climatiques. Il permettra également de sensibiliser les riverains et les visiteurs à l’importance des zones humides pour le maintien de la biodiversité et des services écosystémiques qu’elles offrent.
Cette initiative s’inscrit dans une démarche plus large du Conservatoire d’Espaces Naturels de la Savoie, qui travaille sur de nombreux sites similaires pour préserver les habitats naturels.

Nizar BEN HAHA.