Le crapaud calamite… exigeant pour sa reproduction ?

Le crapaud calamite (Epidalea calamita) est un petit crapaud marcheur lié aux milieux pionniers. Son habitat primaire est constitué des lits majeurs des cours d’eau. Ces zones leur offrent des zones peu végétalisées pour la chasse, des embâcles, souches et chaos de blocs où s’abriter en été et hiberner en hiver et des zones de reproduction spécifiques. Ces dernières doivent notamment être peu profondes, non ou peu végétalisées et si possible temporaires. Ce sympathique crapaud ne supporte pas la présence d’autres amphibiens dont certains sont susceptibles de bloquer le développement de ses têtards… Vous vous doutez bien qu’avec toutes ces exigences combinées, la reproduction échoue régulièrement !

Ajoutez à cela une dégradation permanente des cours d’eau et de leurs lits majeurs depuis plusieurs siècles maintenant à travers toute la France… et vous en déduisez sans difficulté que les populations françaises de crapaud calamite ne sont pas au mieux de leur forme. Protégé comme la plupart de nos amphibiens, il est classé « quasi menacé » sur la liste rouge régionale de Rhône-Alpes.

Présent historiquement en Tarentaise …

Une petite population isolée est connue de longue date entre Séez et Bourg-Saint Maurice en vallée de la Tarentaise, au niveau de la confluence du Reclus et de l’Isère. Il s’agit de la dernière population de Tarentaise. La plus proche connue se trouve à…90 km. Rappelons-nous à cette occasion qu’historiquement, l’espèce devait être présente de façon régulière le long de tout le cours de l’Isère… la population de Séez ne provenant ni d’une introduction, ni d’une génération spontanée !

Un petit coup de pouce laborieux …

Par ailleurs, pour des travaux de restauration hydro-écologique du Reclus lancés en 2016/2017 par l’Assemblée de Pays Tarentaise Vanoise (APTV), une dérogation au titre des espèces protégées – dont le crapaud calamite – avait été obtenue. Elle comportait une obligation de créer des mares favorables à l’espèce assortie de suivis écologiques pour s’assurer de leur efficacité. TEREO a assuré la maîtrise d’œuvre de ces travaux pour l’APTV et a réalisé l’ensemble des suivis « amphibiens ». Malheureusement, les mares créées ne se sont pas avérées très fonctionnelles avec des soucis d’imperméabilité et la présence de déchets ligneux à proximité immédiate. Les suivis réalisés n’ont ainsi apporté aucune preuve de reproduction du crapaud calamite et un seul individu maximum était observé lors des prospections jusqu’en 2017. Aucun adulte n’avait été observé depuis et aucune preuve de reproduction n’était connue depuis 2011…

Face à ces constats, l’APTV a décidé de lancer des travaux de reprise des mares fin 2021. Confiée à TEREO cette mission a pris un peu de retard, notamment pour des raisons de foncier et de périodes de travaux. Il fallait d’une part s’assurer que les mares soient bien positionnées et d’autre part engager les travaux en dehors de la période d’activité des amphibiens. Le chantier a finalement été lancé avec l’entreprise GEECO. Fin 2023, cinq mares étaient prêtes pour la saison 2024.

Et … plus personne n’osait y croire …

Le premier passage du suivi des amphibiens a confirmé la présence de la grenouille rousse et du crapaud commun, notés annuellement sur le site… et lors du passage de mai, nous avons eu la bonne surprise de contacter 4 mâles chanteurs de crapaud calamite, des têtards et des pontes en cours d’éclosion dans 2 mares compensatoires. Il semblerait donc que la dernière population de crapaud calamite de Tarentaise n’ait pas dit son dernier mot ! Cette très bonne nouvelle – l’espèce n’a pas disparu ! – ne doit cependant pas occulter la très grande précarité de cette population isolée et à faibles effectifs (risque élevé de disparition, risque génétique…). Sa survie à long terme reste incertaine…toutefois l’espèce bénéficie maintenant de zones de reproduction favorables et de nouvelles générations devraient pouvoir venir grossir ses rangs dans les années à venir. Nous voulions partager cette nouvelle enthousiasmante…à suivre !

Jérémie HAHN