Les cours d’eau sont des milieux complexes qui ont besoin d’espace pour pérenniser leurs processus dynamiques. Un bon fonctionnement des cours d’eau est le gage d’une eau en qualité et en quantité suffisantes, d’une biodiversité riche et d’un risque d’inondation diminué.
Des interventions anthropiques (barrages, digues, enrochement, recalibrage et urbanisation) ont progressivement contraint les cours d’eau en limitant leur mobilité. Or, le blocage de cette mobilité latérale entraîne une dégradation du fonctionnement de l’hydrosystème.
Les cours d’eau du bassin versant du Suran ont subi et subissent encore des modifications qui ont eu ou auront des impacts sur leur bon fonctionnement. La présence de l’agriculture sur la majorité du territoire est l’une des causes majeures de ces modifications.
Concept d’EBF
Un EBF est un espace dans lequel pourront se dérouler sans contraintes les phénomènes résultant des principales fonctions de l’hydrosystème. Il s’agit des fonctions liées à la morphologie, l’hydraulique, la biologie, l’hydrogéologie et la biogéochimie (Agence de l’eau, 2016).
Définir et préserver un EBF c’est permettre de (ré)intégrer le cours d’eau dans le territoire et favoriser les services qu’il peut rendre : gestion de l’aléa inondation, recharge de nappe, tourisme vert, qualité de l’eau… (Agence de l’eau, 2016).
Un territoire / une étude / plusieurs acteurs
D’une superficie de plus de 350 km², le bassin versant du Suran s’étend sur 34 communes entre les départements de l’Ain et du Jura. Les atteintes physiques aux cours d’eau résultent essentiellement d’une optimisation de terres exploitables pour l’agriculture.
Le Syndicat de la Rivière d’Ain et de ses affluents (SR3A) a vu le jour le 1er janvier 2018 afin de préserver la ressource en eau à une échelle cohérente et selon une stratégie unique. Il s’agit d’un acteur ambitieux qui porte de nombreuses études et plans d’actions sur l’ensemble des secteurs qu’il gère. Parmi ces études, les approches EBF sont particulièrement déclinées à l’échelle de chaque bassin versant afin de disposer d’une vision globale des enjeux du territoire d’action.
Le SR3A a donc lancé l’étude de définition des EBF des cours d’eau du bassin versant du Suran. Notre bureau d’études TEREO a monté un groupement avec les bureaux HYDRETUDES et SURFACE LIBRE pour répondre aux objectifs de l’étude.
Un travail de longue haleine
Démarrée en octobre 2021, l’étude aura duré près de 2 ans et demi pour aboutir à la délimitation des EBF et à la définition d’un programme d’actions. À titre personnel, ce fut sans doute le projet le plus « important » que j’ai eu à piloter : important sur la durée, important sur la complexité des sujets abordés, important sur le nombre d’acteurs mobilisés, important sur les enjeux qui en découlent, important sur le volume des actions de gestion/restauration/préservation définies…
Ce fut un vrai travail collaboratif entre le groupement de bureaux d’études, les référents techniques locaux et les élus avec 4 sessions de concertations mobilisant les acteurs de l’Ain et du Jura.
Résultats de l’étude
Dans ce bassin versant très rural et karstique, la population est particulièrement sensibilisée au risque inondation. Les phénomènes pluvieux se traduisent très régulièrement par des débordements des rivières formant de véritables lacs dans la vallée.
Le fonctionnement hydrologique du bassin reste très variable entre la moitié nord et la moitié sud : la partie jurassienne correspond véritablement au « château d’eau » de la vallée où se développent de grandes zones humides liées aux cours d’eau.
Malgré une forte dégradation des forêts alluviales et des berges des cours d’eau, la biodiversité trouve refuge dans cette vallée. On retrouve par exemple le castor en pleine reconquête du Suran et des affluents, des populations relictuelles d’écrevisse à pattes blanches, la présence de la mulette épaisse ou encore de poissons d’intérêt communautaire (chabot, blageon, toxostome).
Sur la base de ces éléments d’état des lieux et grâce à la sensibilisation de la population locale, de grands espaces de bon fonctionnement ont pu être délimités pour ces cours d’eau. Ces EBF ont permis par la suite de définir un programme d’action ambitieux de préservation et de reconquête des milieux.
Quelques chiffres :
Suites à donner
Il va falloir faire vivre l’EBF !
Cet espace ne vise pas à limiter le développement économique mais doit permettre de maintenir des activités tout en prenant en compte les milieux naturels et les services qu’ils rendent.
L’objectif est donc de pouvoir inscrire cet espace dans les documents d’urbanisme puis de mettre en œuvre le plan d’actions.
Conclusion
Je quitte le bassin versant Suran, au moins temporairement, pour me concentrer sur d’autres territoires… avant que les premières restaurations de cours d’eau me ramènent à revisiter cette belle vallée ?
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à cette étude très enrichissante sur le plan humain et en termes d’expérience professionnelle.
Matthieu Puxeddu.