La buxbaumie verte (Buxbaumia viridis) fait partie des 14 espèces de mousses (bryophytes) protégées à l’échelle nationale. Comme beaucoup d’espèces de mousses, sa petite taille rend sa détection difficile dans les milieux naturels, mais de récentes recherches ont mis en évidence une nouvelle technique de détection de l’espèce, bousculant ainsi les connaissances sur l’écologie et l’aire de répartition de l’espèce.

Reconnaissance sur le terrain

Sur le terrain Buxbaumia viridis est le plus souvent repéré sur du bois mort de résineux par la présence de capsules vertes dissymétriques bien typiques, dressées sur une petite « tige ». Ces capsules peuvent mesurer entre 5 et 7 mm et contiennent les spores, issues de la reproduction sexuée. Malgré leur petite taille, elle est relativement facile à distinguer des autres espèces de mousses.

Photo 1 : sporophyte (capsule) dans la vallée du Giffre

Depuis une dizaine d’années, la reconnaissance de cette espèce est également possible en l’absence de ces capsules, en se basant sur d’autres structures impliquées dans la dispersion et la reproduction non sexuée : les gemmes. Ce sont des structures multicellulaires, mesurant de 40 à 70 µm de long, et sont souvent disposées en amas rugueux et granuleux, bruns ou noirâtres selon l’humidité ambiante, s’observant à la loupe à main, voire à l’œil nu avec de l’expérience.

Photo 2 : amas de gemmes à la loupe binoculaire
Photo 3 : gemmes au microscope

Écologie et répartition de l’espèce

Buxbaumia viridis est une espèce pionnière poussant principalement sur du bois de résineux en décomposition dans les forêts montagnardes (pins, sapins, épicéas). Elle privilégie un substrat stable, ombragé et à forte humidité atmosphérique, ce qui la rend sensible aux perturbations de son environnement.

Photo 4 : milieu forestier propice à la buxbaumie verte en vallée de Maurienne (73)

La recherche des gemmes a cependant mis en évidence une écologie plus large, avec des populations retrouvées à des altitudes et des habitats variés.
L’aire de répartition connue a également été bousculée, avec des gemmes observées de la baie de Somme jusqu’en Méditerranée en passant par le Sud-Ouest. Des campagnes de recherche récentes ont révélé la présence de gemmes dans des habitats variés : rochers humifères, fourrés de noisetiers, boisement de trembles, etc., sur un gradient altitudinal élevé (10 m d’altitude dans la Somme à 2534 m en Savoie).

Carte 1 : répartition de la buxbaumie verte en France

Implications dans le cadre de nos études et pour la conservation de l’espèce

La recherche des gemmes par nos équipes et nos partenaires dans le cadre des études confiées à Teréo suit ce constat : la répartition de l’espèce est bien plus importante que celle connue par les seuls sporophytes observés (Bauges, Maurienne, Vallée du Haut Giffre).
Afin d’évaluer correctement les impacts environnementaux des ouvrages, en particulier dans les boisements mixtes et de résineux montagnards, un passage dédié à la recherche de la buxbaumie verte, sur la base des capsules mais aussi des gemmes, est ainsi conseillé.

Ces nouvelles données à l’échelle nationale et à l’échelle de nos études soulèvent des questions sur les enjeux de conservation liés à cette espèce, mais aussi sur la pertinence de son statut de protection nationale, notamment dans le cadre d’études réglementaires.
Plusieurs points de réflexion sont cependant à garder en tête dans l’évaluation des enjeux.

  • L’optimum écologique dans les forêts montagnardes mixtes ou de résineux : si l’espèce a des exigences écologiques moindres que celles connues auparavant, elle reste plus abondante dans les milieux où elle est connue historiquement. La reproduction sexuée est également plus fréquemment observée dans ces milieux. Ces boisements restent donc à enjeu très fort pour la conservation de l’espèce, notamment de sa diversité génétique.
  • Reproduction sexuée : des recherches sont à poursuivre sur la capacité des populations, connues pour l’instant par gemmes uniquement, à produire des capsules et donc à effectuer une reproduction sexuée.
  • Abondance gemmes/capsules : à l’heure actuelle, aucune corrélation n’est observée entre l’abondance des gemmes et celle des capsules.
  • Difficulté d’observation et sous-estimation de l’aire : l’espèce reste discrète et difficile à observer, la recherche des gemmes requiert un niveau d’expertise élevé avec une formation spécifique. L’aire de répartition connue peut encore évoluer dans les années à venir.

La bryologie est une discipline en pleine expansion dont les nouvelles connaissances impactent nos façons de travailler. L’arrivée d’une nouvelle technique de détection de la buxbaumie verte dans nos équipes permet d’affiner les connaissances sur l’écologie d’une espèce protégée au niveau national, mais aussi d’adapter en conséquence nos recommandations dans le cadre de l’étude des espaces naturels.

Lucie BAURET


Sources principales :
Bensettiti F., Gaudillat V., Malengreau D. & Quéré E. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 6 – Espèces végétales. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 271 p. + cédérom
Hugonnot, V., Pépin, F., & Bichon, V., 2023. Révision chorologique et écologique de Buxbaumia viridis, espèce protégée en France. Carnets botaniques, 128, 1-9. https://doi.org/10.34971/aqef-9m56